Il faut sauver le
soldat Ryan

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Il faisait froid. Un froid mordant qui glisse sur la peau et qui arrache des frissons à chaque brise. Nus comme des vers, ils se tenaient tous les douze bien droit, au garde à vous. Il ne devait pas être plus de cinq heure du matin et la rosée se dévoilait à peine au regard de la lumière naissante. Au loin, quelques uns des premiers rayons du soleil parvenaient à percer les nuages bas et chargés de pluies. Le temps ne s'annonçaient pas glorieusement pour cette journée. Alors, sur cette pelouse, au centre d'une caserne militaire silencieuse, les treize hommes se tenaient debout et gardaient le silence. Voilà une heure déjà que douze d'entre eux se tenaient droit et totalement nus. Le treizième était assis sur une petite chaise de camping et observait les types en face de lui d'un œil inquisiteur. Puis finalement et alors qu'il semblait que le temps s'était écoulé beaucoup plus lentement l'homme se lève. Il est grand, vraiment très grand et doit mesurer au moins deux mètres tellement le sommet de son crâne semble rejoindre les nuages. Il s'avance et finalement, croise ses mains dans son dos. « A vos pieds se trouvent une feuille. C'est un document d'abandon volontaire. Libre à vous de le signer. Mais si vous signez, vous dégagez définitivement. » Il n'y eut aucun bruit, aucun mouvement. On entendait le vent souffler contre les branches des arbres au loin. Le géant eut l'air satisfait, car il hocha la tête. « Rhabillez-vous bande de sous-merdes, il faut y aller maintenant ». Il y eut un premier bruissement puis bientôt les douze hommes s'activèrent. Dans le fond, Ryan, qui avait retenu son souffle depuis le que son supérieur s'était levé, attrapa le papier et le fourra dans son sac avant de s'habiller rapidement. Il s'était senti mal à l'aise à se trouver ainsi -c'est-à-dire sans vêtements- devant tant de personnes. Mais au final, personne ne lui avait prêté attention. Personne n'avait prêté attention à rien d'autre qu'au colonel de toute façon. Alors, rapidement il enfila sous-vêtement puis pantalon, passa son t-shirt et sa veste avant de mettre ses rangers qu'il noua solidement. Il se retrouva rapidement avec son sac sur le dos et prêt à partir. Bientôt, on ajouta à son sac de base, qui pesait déjà quelques kilos un autre chargement. Et bientôt il se retrouva avec 20 kilos sur le dos et une arme dans les bras. Comme les onze autres hommes de son groupe d'ailleurs. Alors, le colonel se rapprocha d'eux et se racla la gorge pour obtenir l'entière attention de ses hommes.« Vous devez parcourir cinq kilomètres en moins de quarante minutes. Courez. » Alors, en rang et deux par deux, les hommes se mirent à courir sur le sentier qui quittait la caserne. Leur supérieur en voiture devant eux, Ryan se contenta de suivre le rythme donné par ceux qui étaient devant et derrière lui. Cinq kilomètres c'était long et fastidieux, surtout avec ces vingt kilos sur le dos, mais il s'exécutait sans poser la moindre question. Il avait arrêté de poser des questions au moment même où il avait signé pour être ici. Alors, les rangers ne lui coupait pas la circulation, le sac n'était pas lourd et son ventre ne se tordait pas de douleur à chaque fois qu'il avançait. Tout ce qui importait réellement, c'était de voir les autres courir autour de lui et de songer qu'il n'était pas seul. Mais au bout d'un moment, certains commencèrent à ralentir et le groupe commença à s'étaler. Ryan était toujours en tête, mais voyait les autres, autour de lui, s'éloigner de plus en plus de la voiture qu'ils devaient suivre. Sans réfléchir, il se contenta de suivre cette dernière, ignorant ses camarades qui peinaient à tenir la distance. Il lui fallut trente minutes pour parcourir la distance demandée et il y parvint le premier. Non peu fier, il évita pourtant de s'en vanter, lui qui souhaitait rester discret face au colonel. Bientôt les autres commencèrent à le rejoindre. Et puis finalement, ils furent tous arrivé et le colonel se racla à nouveau la gorge. « Bien. Mise en situation d'appui militaire. Un escadron à besoin de votre aide et de munition, de l'autre côté de cette montagne. Vous allez donc prendre un poids supplémentaire de dix kilos chacun et y aller. Vous avez cinq heures. Ryan, tu es arrivé le premier, tu es donc le chef de l'expédition. Maintenant bougez vos culs. » Ryan hocha la tête, un peu dépité, lui qui avait espéré ne pas se faire remarquer se retrouvait maintenant à devoir jouer au petit chef avec les autres. Il s'empara donc d'une carte et d'une boussole et se chargea d'un poids de dix kilos. Il y avait là plus de mile cinq kilomètres à parcourir et il s'en sentait bien incapable. D'autant plus qu'il fallait faire moins de cinq heures pour y parvenir. Il informa les autres de la distance à parcourir puis nomma un homme en éclaireur et un homme pour rester en retrait. Après ça, il nomma deux hommes pour surveiller les flancs de cette expédition et ils commencèrent leur longue expédition. A de nombreuses reprises il consulta sa carte pour s'assurer qu'ils étaient dans la bonne direction. Et ils l'étaient. Au sommet de la montagne, on leur donna vingt kilos supplémentaires. La charge de plus en plus lourde et une descente à appréhender, Ryan dut motiver ses troupes un nombre incalculable de fois. Ils parvinrent à la vallée en cinq heures et deux minutes, mais, bien loin de considérer qu'ils avaient échoués, ils furent nombreux à s'en féliciter. Et ce jour-là, personne ne signa le document d'abandon militaire. Parce que personne n'avait envie d'abandonner si près du but. Pas même avec les pieds en sang et le dos usé par plus de cinquante kilos de poids. Tout cela n'était finalement qu'un détail et, même s'ils avaient faim et soif et ce même s'ils étaient fatigués, tout cela n'était encore qu'un bien léger détail.

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Ils marchaient depuis un jour déjà, l'air hagard et éreinté. Certains usaient de leurs dernières forces pour parvenir à mettre un pied devant l'autre. Ils se traînaient, mais ne s'arrêtaient pas. Ils avaient reçu des ordres précis de la part de leur colonel. Alors, leurs lampes frontales balayaient les arbres aux alentours. Parfois, une chouette s'envolait précipitamment en hululant, faisant sursauter un ou deux hommes moins attentifs que les autres. Mais ici, personne ne traînait à l'arrière ; il faisait bien trop sombre et les lieux étaient bien trop inconnus pour que quiconque ait la moindre envie de rester en arrière. Alors, avec leurs sacs de vingt kilos dans le dos et leurs armes dans les mains, la douzaine d'homme s'avançait sans un bruit, Ryan en tête. La journée précédente, il s'était fait remarquer en étant désigné comme chef de leur petit groupe et avait parfaitement bien exécuté la mission qu'ils avaient dû effectuer. Alors, leur colonel l'avait félicité et l'avait nommé une seconde fois. Mais cette seconde nomination était très dangereuse, car si elle pouvait lui permettre de se faire davantage bien voir, elle risquait également de le faire chuter de haut s'il se trompait. De ce fait, il s'assurait continuellement que tout le monde suivait et surtout, qu'ils étaient sur la bonne route. Mais avec le ventre vide et la bouche sèche, il peinait réellement à se concentrer. Pourtant, il savait de source sûre que tout cela n'était encore qu'un test et que s'ils réussissaient, tous auraient droit à un repas chaud à la fin. Enfin, il faisait en sorte de se persuader qu'un bon repas les attendraient tous une fois leur mission terminée, mais au fur et à mesure qu'il avançait dans la nuit, il se demandait si tout cela ne relevait pas plus du fantasme et de l'espoir perdu qu'autre chose. Néanmoins, c'était cet espoir qu'il nourrissait secrètement qui lui permettait d'avancer et il restait intimement persuadé que c'était le même espoir qui aidait également les autres. « Victime en visuel chef ». Ryan redressa la tête et la lumière de sa lampe torche vint épouser les formes de l'homme qui marchait à quelques mètres devant lui. A ses pieds, un mannequin sur une civière. Alors, Ryan fit signe à aux autres hommes de couvrir le périmètre pendant qu'il s'approchait du mannequin, accompagné par l'éclaireur. Ils allaient tous prendre cinq minutes pour souffler et le jeune homme en profita pour resserrer davantage ses rangers autour de ses chevilles. L'avantage c'est qu'à cet instant précis il ne sentait pas ses pieds, mais nulles doutes que lorsqu'il les retirerait enfin, il souffrirait grandement. Il désigna trois autres hommes plutôt solide pour l'aider à porter la civière et confia la boussole et la carte à un autre. Puis ils reprirent la route sans davantage de mots. Le mannequin était lourd, une bonne cinquantaine de kilos que les quatre hommes peinèrent à porter. Heureusement, après un bon kilomètre finalement, ils tombèrent sur leur colonel qui les félicita et les autorisa à se reposer. Mais pas de repas. Personne ne demanda, mais Ryan pu sentir la déception flotter dans l'air, lui-même l'était énormément. Mais il se garda bien de se faire remarquer et sortit finalement son sac de couchage de son sac. Il le jeta au sol, s'assit dessus et retira alors ses rangers. Ses pieds étaient enflés et cloqués ; il souffrait le martyr et un seul mouvement de son petit orteil lui provoquait d'affreuses douleurs jusque dans les mollets. Un type installé à côté de lui, lui fila un sachet de pommade qu'il venait de s'appliquer sur les lèvres. Il s'agissait d'une crème cicatrisante. Alors, Addoth le remercia et s'en appliqua, du bout des doigts, sur ses horribles plaies. Il ne lui restait plus qu'à prier pour que tout cela ne s'infecte pas. Puis il remit ses chaussettes en laine, noua ses rangers à son cou et se glissa dans son sac de couchage pour enfin dormir, après près de quarante-huit heure sans sommeil. « Attaque au gaz ! ». Le soleil venait à peine de se lever et ils n'avaient pas dû dormir plus de deux heures que déjà ils devaient se lever. Et pas pour une futile raison. Dans l'air, un fumigène jaune commençait à se répandre. Immédiatement, Ryan quitta son sac de couchage qu'il replia stratégiquement avant de fourrer dans son sac, puis il attrapa son masque à oxygène, qu'il fixa sur son visage et enfila ses rangers. Il se retint de hurler en sentant ses pieds racler dans ses bottes mais s'abstint de se plaindre. Puis, une fois chose faite, il remit son sac sur son dos et attrapa son arme puis quitta les lieux au pas de course, pour se mettre en sécurité quelques centaines de mètres plus loin. Les autres l'imitèrent et tous furent bientôt bien loin de cette attaque factice. Alors, ils reçurent de nouvelles instructions ; une marche de quinze kilomètres pour clôturer les deux jours d'expéditions. Ryan observa les plus vieux souffler de fatigue. Beaucoup semblaient sur le point de flancher, mais aucun d'entre eux ne signa le document d'abandon volontaire qu'on leur avait donné. Et, étant donné qu'ils n'avaient pas de temps limite, ils se mirent donc tous en route, lentement.

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Il faisait jour, mais ils n'étaient désormais plus que dix. Deux hommes avaient abandonnés, à peine rentré de mission, la veille au matin. Ryan les avaient regardés partir avec la gorge nouée, car parmi eux se trouvait le plus âgé et surtout le favoris des instructeurs. Cela avait ébranlé toute sa motivation et il n'était plus vraiment sûr de rien désormais. Il était toujours le plus jeune et beaucoup ne voyait en lui qu'un gosse grassouillet qui avait arrêté l'école avant d'avoir été pistonné par son père. Et aujourd'hui, voir partir deux hommes solides et en pleine santé l'avait plus affecté qu'il ne l'aurait cru. Cependant, il n'avait pas vraiment le temps de s'attarder sur ce genre de choses, car ils avaient été appelés à rejoindre un point de rendez-vous dans une demi-heure. Alors, comme toujours, ils marchaient, leurs armes dans les mains. Néanmoins lorsqu'ils arrivèrent enfin au point de rencontres, Ryan réalisa en même temps que les autres qu'il avait désormais un nouvel instructeur. Chauve, le regard vicieux, la peau foncée et le regard très clair, il les fixait avec une pointe d'agacement, pourtant, Ryan était certain qu'ils étaient tous arrivés à l'heure et, en jetant un rapide coup d'œil à sa montre, il remarqua qu'ils étaient même en avance de quelques minutes. Alors, il se demanda pourquoi le grand gaillard devant lui fronçait à ce point les sourcils « Je suis votre nouvel instructeur, le major Ivanovitch des forces spéciales polonaises. » Sa voix était tellement basse que Ryan dû s'y prendre à deux fois pour être certains qu'il avait réellement parlé. Il tendit davantage l'oreille lorsqu'il le vit ouvrir la bouche de nouveau pour prendre la parole. « Aujourd'hui, plutôt que de tester vos capacités physiques, je vais m'assurer que vos esprits sont assez forts. » Il désigna le vide derrière lui et c'est à ce moment-là que Ryan réalisa qu'ils se trouvaient tous sur une falaise haute d'au moins vingt mètres. Il ne s'en était pas rendu compte jusqu'à présent et il devint subitement nerveux. Comment tester la force d'un esprit au sommet d'une falaise ? La question était tellement évidente que la réponse allait d'elle-même. Il avala sa salive avec difficulté. « Vous allez être équipés. Puis vous sauterez. » Le jeune homme n'appréciait guère la tournure des événements, surtout là. Manque de chance pour lui, l'instructeur leva le doigt et le désigna lui, en premier. Mauvais signe, vraiment ! Il s'avança, un peu mal à l'aise, mais sans rechigner. L'instructeur l'aida à s'équiper, mais Ryan ne pouvait s'empêcher de songer au fait qu'il s'agissait là d'une véritable folie. Pourtant, il écouta attentivement les conseils donnés par l'autre homme, hochant lentement la tête pour approuver chacun de ses propos. Puis finalement, il se mit en position, la peur au ventre. Il commença enfin à descendre. Lentement et tremblant légèrement. C'était terrible, mais il le faisait, ignorant délibérément le vide sous ses pieds. De la descente en rappel, ce n'était pas si mal que ça. Même si ça foutait sacrément la trouille. Pourtant, au bout d'un moment, on le héla au-dessus de sa tête. « Il n'y a plus de corde Mausar. A partir de maintenant, si tu veux descendre, il faut que tu sautes. » Ryan eut l'impression que l'on venait de l’assommer. Comment ça, sauter ? Il devait y avoir encore une dizaine de mètres sous lui ! Il releva la tête pour jeter un regard à son instructeur bien au-dessus de lui. Mais l'autre ne plaisantait pas et affichait un air tellement sérieux qu'il était désormais évident que Ryan était en train d'être évalué. Oui mais sur quoi ? Il hésita légèrement, mais ses enseignements précédents lui revinrent en mémoire, alors, en tremblant, il lâcha le bout de corde qui le maintenait en sécurité. Et il se retrouva les pieds dans la gadoue moins de dix secondes plus tard. Une chute contrôlée, il venait de faire une chute contrôlée. Et le type debout à côté de lui y était probablement pour quelque chose. Il cligna des yeux un peu surpris. Alors, quoi, il n'avait pas réellement sauté dans le vide ? L'autre lui tapa violemment l'épaule « Bravo mon gars ! Tu viens d'apprendre à obéir à un ordre ! ».

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« DEBOUT SOLDAT ! ». Ryan se redressa avec surprise dans son lit. A côté de lui, les neufs autres hommes restants s'activaient à s'habiller. Il était tôt, ou tard, mais il faisait encore nuit et bien que Ryan fut persuadé d'avoir dormi une éternité, il n'avait pas dû s'allonger bien longtemps avant que quelqu'un ne vienne le réveiller. Et ce quelqu'un, c'était le même caporal que celui qui, le matin même, l'avait fait sauté d'une falaise immense sans aucun autre but que celui de tester ses aptitudes à obéir en période de stress. Ryan se redressa d'un bond et quitta son lit en quatrième vitesse. Il s'habilla avec une rapidité qu'il ne se connaissait pas lui-même et avec une chance qu'il n'aurait pas cru obtenir, il parvint à arriver en même temps que les autres soldats qui attendaient devant l'homme à l'imposante carrure. Il faisait froid et une fine bruime s'abattait sur les lieux. La lune était cachée par d'épais nuages et la cour intérieure de la caserne semblait être plongée dans un brouillard inquiétant. Ryan au garde à vous, attendit simplement que son supérieur ne prenne la parole, mais il était totalement évident qu'ils avaient été réveillés pour être poussés à bout. « Bonjour. J'espère que vous avez bien dormi. » Encore cette voix calme et beaucoup trop lente pour être normale. Et Ryan détestait cette voix bien plus que n'importe qu'elle autre. Alors, droit comme un i, il sentit une tension monter et s'élever tout autour de lui. Ils étaient tous à cran, c'était certain. « Ce soir je vais tester vos capacités, à nouveau. ». Il leva sa main dans un signe étrange et deux soldats sortis de nulle part s'approchèrent de grands bacs qui avaient été amené et qui se trouvaient au pied du major Ivanovitch. Ryan ne les remarqua qu'à ce moment-là et, même s'il somnolaient encore à moitié, il parvint toutefois à se demander pourquoi diable ces bacs se trouvaient ici. La seconde d'après, les soldats en soulevaient les couvercles et il réalisa qu'il s'agissait de cuve pleine d'eau. Pourtant une odeur nauséabonde parvint à ses narines et il plissa le nez « vous avez mangé du bœuf ce soir. En voici les tripes. » Ryan sentit une vive agitation à côté de lui et il réalisa que les cuves ne contenait définitivement pas de l'eau. Du sang, des os, des boyaux et surtout la mort, voilà ce qu'il se trouvait ici. Et c'était tout bonnement répugnant. En soit, il ne se sentait pas mal à l'aise face à des animaux morts, petits et alors qu'il vivait encore dans l'Ohio, il avait eu à faire à des vaches mortes durant un été particulièrement chaud. Néanmoins, à cette heure-ci en pleine digestion et alors qu'il retrouvait à peine l'usage de ses cinq sens, l'odeur et la vu de cette décomposition macabre lui donnait la nausée. Et apparemment, il n'était pas le seul. Le soldat à sa gauche, un latino plutôt gringalet, avait prit une teinte blanche presque livide. Qu'allaient-ils encore devoir faire avec ce genre de choses ? « Soldat Mausar, approchez. » Ryan se redressa en entendant son nom et déglutit. C'était la seconde fois que le major lui demandait de s'approcher et il devina qu'il devrait donc passer cette épreuve avant les autres. Mais pourquoi ? Le trouvait-il trop faible ? Ou au contraire, tentait-il de le pousser à bout ? Il avança prudemment et se posta juste devant les cuves, son major de l'autre côté lui lançant un regard sombre qu'il ne parvenait pas à décrypter. « Couchez-vous dans cette cuve. » Ce devait être une blague, il n'y avait pas d'autres solutions. Mais non, l'autre homme ne plaisantait définitivement pas. Alors, entièrement habillé, Ryan passa une jambe, puis l'autre, par-dessus la cuve. Quelque chose roula sous son pied gauche et quelques bulles se formèrent à la surface. Ça n'était pas profond, il ne devait y avoir qu'une dizaine de centimètre, mais ça faisait bien trop de chaire putride, même pour Ryan. Évitant de respirer trop fort, de peur que l'odeur ne le tue, il s'assit, les mains sur les bords, avant de finalement se coucher, la tête hors de l'eau. « La tête et les mains Mausar. » Le soldat plongea ses mains dans le liquide et finalement la tête aussi. Seul son nez et ses yeux échappèrent à se supplice mais il avait la cruelle impression que le sang entrait dans sa bouche et s'emparait de son être tout entier. Il resta là cinq minutes, jusqu'à ce que le major lui fasse enfin signe de se relever. Puis il quitta la cuve, tentant de retenir les tremblements qui commençaient à l'agiter. Il retourna à sa place, un gout amer sur les lèvres et cette odeur persistante dans les narines. Il ne put se laver et se changer que lorsque l'exercice fut enfin terminé. Et Ryan eut l'impression qu'il venait de goûter à la mort.